Jacinthe Brin d'Amour: des créations riches en couleurs!

Jacinthe a été l'une des premières céramistes à proposer ses créations pour nos ateliers de peinture sur céramique. Vous avez été plusieurs centaines à réaliser des oeuvres sur ses pièces!
Cet été, nous vous proposons sa collection déclinée en de nombreuses couleurs estivales.

« Ce qui a motivé ma démarche au départ, c’était le désir de vivre une vie d’atelier avant tout: une vie incarnée dans le moment présent, du travail acharné, manuel et concret. »

Allo Jacinthe! Pour commencer, peux-tu nous parler de ta collection? On veut tout savoir sur ton choix de couleurs et sur la création de tes pièces!

Je fais beaucoup de tests de glaçures et ce sont vraiment mes qualités d'observation qui m'ont guidée vers mes pièces d'aujourd'hui. Avant je travaillais beaucoup avec des décalques de photos que je faisais moi-même, mon travail était très figuratif, mais je faisais un peu ces choses pour faire plaisir aux autres, je faisais ce que je pensais qu'on attendait de moi, mais quand j'ai décidé de me faire plaisir à moi-même en atelier en explorant réellement l'univers exponentiel des glaçures, il s'est vraiment passé quelque chose!

Il y a quand même deux aspect qui m'ont amenée à le faire :Premièrement, un regard vers le passé. Aller dans les bazars, les boutiques seconde-main ou les visites chez nos aînés, c'est une véritable collision créative. Lorsque je tombe sur des pièces comme des vieilles assiettes à fondue des années 70 avec des glaçures qui défient toutes les conventions actuelles, ma réaction est toujours « avant on avait le droit de faire ça? », « pourquoi on n'a plus le droit? » et tout de suite après il me vient « je veux faire des choses comme ça!! ». C'est plus fort que moi, questionner les stéréotypes est toujours un moteur : je réinterprète cette transgression des normes, mais avec des lunettes plus contemporaines et une recherche d'une fluidité dans le travail.

Deuxièmement, comme pour beaucoup de monde, la pandémie a été un moment tournant dans l'élaboration de mes créations. J'ai eu mon dernier enfant au tout début du confinement et mon refuge a été de regarder beaucoup de documentaires sur les alpinistes et les gens qui pratiquent l'escalade. Moi personnellement, j'ai énormément le vertige et je ne pratique pas ce sport, mais j'ai fait beaucoup de liens entre cette passion-là et la mienne. Nous avons une force en commun qui nous pousse à continuer, à s'entraîner, seuls, dans un but qui est très difficile à définir et à décrire. Nous sommes animés par quelque chose qui nous dépasse.
Et en passant tout ce temps à observer ces parois rocheuses et cette nature hostile à l'homme, j'ai commencé à imaginer des pièces qui reproduisent ces environnements qui donnent cette émotion de l’inaccessible nature qui nous échappe. 

J'ai passé des heures à fabriquer des glaçures qui reproduisent ces textures minérales de roches rêches et poudreuses tout en rencontrant le cristallin de la glace pour les offrir à des objets aussi communs que sont la tasse et le bol de tous les jours. Cela me faisait penser qu’on pourrait avoir un morceau de cette nature hostile et émouvante-là dans nos maisons, tous les jours. J'ai travaillé mes glaçures, je les ai observées et j'ai recommencé encore, jusqu'à ce qu'elles me fassent ressentir la même émotion que la paroi rocheuse naturelle me fait ressentir.J'ai en tête des dizaines de nouvelles combinaisons de couleurs et textures que je compte faire. C'est tellement long de paufiner les glaçures entre les commandes, je n'arrive pas à expérimenter tout ce que je voudrais! 

Pratiques-tu d'autres formes d'art?

J'aime dessiner et lorsque j'en ai l' occasion j'aime participer à divers ateliers créatifs; collage, sérigraphie, aquarelle. J'aimerais apprendre à faire mon propre papier. Auparavant, j'ai fait de la couture, jusqu'à ce que la céramique prenne toute la place. Ah et j'ai également fait de la musique et du théâtre pendant quelques années.  


Quels conseils donnerais-tu à quelqu'un qui veut se lancer dans la vente de ses créations?


Mon premier conseil est de garder des énergies pour APRÈS les 3 premières années. On pense souvent à tort que le démarrage est difficile, mais c'est la partie la plus facile, car tout le monde est curieux de la nouveauté; ce qui est difficile, c'est de rester sur le marché après 3 ou 5 ans, et j'ai vu trop souvent des artistes tomber à cette étape après avoir misé toutes leurs énergies sur le démarrage. 

Mon deuxième conseil est très difficile à suivre : c'est de ne pas se comparer aux autres!! Encore plus difficile à respecter aujourd'hui avec les réseaux sociaux, qui ne reflètent pas toujours la réalité.


As-tu toujours voulu avoir ton entreprise et travailler à ton compte?

Ce qui a motivé ma démarche au départ, c’était le désir de vivre une vie d’atelier avant tout: une vie incarnée dans le moment présent, du travail acharné, manuel et concret. J’ai grandi dans les années 80-90, avec une forte influence du courant punk et « no future ».

C’était une époque où l’idée d’avenir semblait floue, incertaine, et où l’accomplissement personnel passait par ce qu’on pouvait créer et vivre ici et maintenant. Cette culture valorisait aussi la transmission directe de main à main d'objets porteurs d’histoire et de sens.


C’est pour ça que j’aime autant fabriquer les pièces blanches à décorer soi-même chez Les Faiseurs! C'est un projet qui prolonge cette idée de lien tangible entre les gens, de partage de la matière et d'une expérience.

Je ne pensais pas du tout au départ être une créatrice, cela s'est produit une fois que je me suis complètement lâchée dans ce que je faisais, une fois que je maîtrisais mes connaissances, que je vivais cette vie d'atelier, et que je me suis amusée, seule, avec ce médium. Tout en gardant cet esprit d'appréciation constante des gestes posés, mon processus de fabrication est toujours généré par le plaisir de les exécuter. Je désire que chaque étape de fabrication soit fluide, car j'aurai à reproduire ces étapes une multitude de fois.

C'est dans cet esprit que j'ai conçu mes anses, par exemple, qui sont maintenant propres à mes tasses et à mon style. Donc, je pars vraiment du geste de fabrication et je l'amène dans mon processus de création complet. Je me pose la question, ce geste que j'aime faire, comment puis-je le faire grandir sur toute une collection? Et je le fais pour chaque étape (même pour le ménage et l'entretien de l'équipement).

Ensuite, le parcours d'entrepreneur vient de lui-même et l'apprentissage se fait souvent en compilant les erreurs. Par exemple, il faut forcément se pencher sur la rentabilité d'un objet, car on ne peut pas travailler gratuitement toute sa vie, il faut revoir certaines étapes, certains choix esthétiques, s'ils prennent trop de temps, il faut être créatif et rapide.

Au début, on veut juste faire ce qui est beau, ce qui nous plaît, on veut déployer son identité, mais au bout de plusieurs années, ce n'est plus possible, on se rend compte qu'on en a un, un futur, et les habiletés entrepreneuriales se développent d'elles-mêmes.Avec le recul, je réalise que j’ai vécu une inversion complète de la manière dont mon métier est perçu. Ce qui était vu à mes débuts comme marginal, artisanal, presque ingrat (et gênant à aborder devant la belle-famille) est aujourd’hui valorisé, stylisé et recherché.

Cette transformation est à la fois un cadeau, car la poterie est glorifiée plus que jamais, mais également un paradoxe, car derrière l’image parfaite reste toujours le même travail exigeant, salissant et ponctué d'une multitude d'essais et d'erreurs. 


Suivez le travail de Jacinthe sur les réseaux sociaux.  Ses produits sont disponibles en boutique jusqu'au 31 août 2025.